Peut-on échapper à une vocation littéraire quand on s’appelle « Momot » ? Suivant le destin que son nom lui prédisait, Antoine développe très tôt un goût pour les mots. Enfant, il écrit peu mais lit beaucoup. À La Châtre (dans le Berry) où il grandit et fait ses études jusqu’au bac, les livres ne sont jamais bien loin de la table de chevet. Trois lui font l’effet d’une révélation : Andromaquede Racine, Madame Bovaryde Flaubert et Les Motsde Sartre.
Pourtant, son premier grand rendez-vous avec les lettres ne se déroule pas comme prévu. Alors qu’il réussit les épreuves écrites du concours de l’Ecole Normale Supérieure, il cale aux oraux. Sa meilleure note -en Histoire- ne dépasse pas les 10/20. « Un drame », confesse-t-il, qu’il vit difficilement et dont il ressort blessé. Loin de se décourager, Antoine trace son chemin et entre à Sciences Po Paris, dans la foulée d’une Maîtrise d’Histoire contemporaine brillamment soutenue à Panthéon-Sorbonne. Ses talents d’orateur font merveille : il excelle au concours d’éloquence qui est organisé chaque année au 27 rue Saint-Guillaume.
Après avoir écrit pour lui, il décide d’écrire pour d’autres. Sa première expérience de plume, c’est dans la politique qu’il la vit. Pendant les quatorze mois qu’il passe au Porte-Parolat du Gouvernement, il rédige des centaines d’éléments de langage sur les questions sociales du moment. Cette expérience marquante lui apprend les fondamentaux du métier et lui fait toucher du doigt le pouvoir du langage. « J’aime l’idée que les mots ont une importance, notamment lorsqu’on écrit pour un Ministre dont la parole a un réel impact », explique-t-il.
Plume politique, Antoine devient une plume tout-terrain. Il multiplie les aventures professionnelles en gardant l‘écriture comme fil conducteur. A l’Institut national de la Recherche agronomique (INRA), à l’Union nationale des Industries et Entreprises de l’Eau et de l’Environnement (UIE) et -depuis octobre dernier- à la RATP, il s’adapte à la personnalité et au style des dirigeants pour lesquels il écrit.
Que faut-il pour réussir dans cette fonction ? « Avoir une vraie culture au sens large ! J’aime le métier de plume car il est un des rares où cette culture, fondée sur les lettres, la philosophie et l’histoire, a une réelle utilité ». Lorsqu’on demande à Antoine ce qui lui plait dans ce métier atypique, mal identifié et parfois ingrat, il évoque pêle-mêle « la variété des sujets, l’absence de routine, l’occasion qui nous est donnée d’embrasser toute l’activité d’une entreprise, d’une organisation… »
Il reconnait toutefois que l’écriture n’est pas un long fleuve tranquille. En politique comme dans le privé, la plume est souvent confrontée au risque de voir ses discours dénaturés par une chaîne de validation trop lourde : « Des étapes de validation trop nombreuses peuvent ôter toute son âme, toute sa sève à un discours, voire le vider de son sens », regrette-t-il. Dans une entreprise, où l’on écrit davantage pour une équipe dirigeante que pour un PDG, s’adapter est la clé de la réussite. Comme le rappelle Antoine, « 10 membres du Comex, ce sont 10 personnalités différentes et donc 10 discours différents ! »
Le temps qu’il ne passe pas à écrire est réservé en priorité à la lecture. Ses préférences vont aux grands noms de la littérature française (La Fontaine, Flaubert, Stendhal, Proust, Gracq), Outre-Atlantique (Raymond Carver, Faulkner) et Outre-Rhin (Hölderlin). Sa passion pour la littérature classique se retrouve dans le style qu’il essaie d’imprimer à ses discours. La grandiloquence, très peu pour lui ! Il déteste ce style « fleuri » que l’on retrouve dans certains discours et qu’il juge inadapté à notre époque. Contrairement à ses collègues speechwriters qui ont souvent leurs marottes d’écriture, Antoine n’a ni rituel particulier ni moment fétiche. Tout juste admet-il « être plus efficace dans l’urgence, avec une échéance très rapprochée » et « aimer aussi écrire en vacances – notamment à Rome, où il se rend tous les ans – ou à la campagne ». Lorsque ses talents de plume restent au repos, ses dons d’imitateur prennent le relais. Ses imitations de personnages célèbres, de François Hollande à François Bayrou en passant par Fabrice Luchini, n’ont rien à envier aux meilleurs humoristes.
Où se voit-il dans cinq ou dix ans ? Il rêve de travailler un jour aux Etats-Unis, un pays qu’il affectionne particulièrement depuis qu’il y a passé six mois dans le cadre d’un stage au consulat général de France à Los Angeles. En attendant, c’est à la RATP qu’il écrit la suite de son parcours. Et comme il aime à le dire, « écrire pour les autres, c’est à peu près tout ce que je sais faire ». C’est déjà beaucoup !