Le vendredi 29 novembre 2019, les plumes se sont réunies au Conseil Régional d’Île-de-France pour une journée d’interventions, d’échanges et de rencontres. Le regard de Louise, une des participantes.
Tout à construire. À l’instar du quartier nouveau, animé par les chantiers et la foule matinale qui s’engouffre tambour battant dans les bureaux alentour, du Conseil Régional, dont l’accès s’est fait par la rue Simone Veil, parrainage éclairé. Tout à construire : créer un réseau de plumes, qui malgré ce mot ne soit ni emporté par un souffle, ni d’apparat comme les yeux des paons.
Créer du lien, comme celui qui a mis à la même table la directrice humaine des ressources d’un grand groupe de transports et un syndicaliste pour un échange passionné (oui oui, cette scène a bien eu lieu, un jour pas si lointain) créer du lien par le trait flottant de trois consultants en jet-lag parfaitement croqués, et réunir autour de ce clin d’œil des milliers de twittos qui n’y perdent aucune plume, au contraire.
Affiner son instrument, en faire une arme puissante, en revenant aux racines de la rhétorique, et en un sourire de Violaine, reçu par l’auditoire conquis « selon le mode de celui qui reçoit », saisir par le concept cette science de bâtir un récit, d’élever le niveau, d’allumer un feu (on notera au passage qu’Ulysse n’est jamais apparu aussi canon qu’évoqué dans cette démonstration, et qu’on ne pensera plus à lui de la même façon).
Désarmer la suffisance, dont Lacan disait qu’elle faisait régner le silence en maître autour d’elle, par sa charge de maintenir un certain discours qui exclut ceux qui ne sont pas suffisants – et les plumes n’aiment pas cela, le silence – ce que s’emploie à faire Mathieu Simonet, président de la Société des Gens de Lettres, créateur et inventeur avec son agence Gibraltar de dispositifs aidant les plumes à se délier, dédramatisant l’acte d’écrire, en l’inscrivant dans la vie qui va bien.
Avoir la reconnaissance du rire, comme on a la reconnaissance du ventre, avec Jean-Baptiste Reiland, plume d’un grand patron, qui a devant lui le défi de lui donner des mots, mais aussi un rythme, à la tête du groupe dont il vient de prendre la direction. Un défi car, comme il l’a rappelé judicieusement, tout en gardant sa poker face, « l’effet d’une mauvaise blague est délétère pour tout le monde ».
Revenir aux sources, avec Antoine Momot, qui a fait revivre sous les yeux ébahis de l’auditoire les plus grands discours de l’histoire récente, avec les intonations s’il vous plait et même certains tics, et fait sentir la vibration et l’ampleur des origines, puis, plus récente mais pas définitive, leur déconstruction hachée, plaidant en creux pour la renaissance de la belle rhétorique invoquée par Violaine plus tôt dans la matinée, celle qui « fait émerger le vrai de l’épaisseur de la vie humaine ».
En un mot comme en cent, cette matinée a donné aux participants le sentiment, comme rarement, de faire partie d’une communauté, d’un rassemblement fugitif d’esprits vifs, observateurs, à l’affût du signe, désireux de le capturer, cohabitant grâce à l’hospitalité d’Anne et Antoine, maîtres de la Guilde, qu’on n’aura de cesse désormais de harceler jusqu’à ce qu’ils récidivent.