Moment de tri, de décision, de clarification… la crise peut être vue comme un révélateur, au sens chimique du terme. Nous y sommes ! Ce que le coronavirus, comme il convient de l’appeler, nous révèle, c’est ce que nous pouvions pressentir depuis plusieurs années : certains métiers jouent un rôle vital pour la vie d’un pays et de ses citoyens. Souvent mal payés, et donc mal considérés, par temps calme, soignants, agriculteurs, policiers, caissières, soldats, pompiers….. sont aujourd’hui perçus à juste titre comme les garants de notre survie, à tous et à chacun. A contrario, « Covid-19 » nous rappelle l’utilité bien plus modeste de certaines professions, souvent bien mieux rémunérées… En un mot, la crise actuelle peut apparaître comme une défense et illustration de l’Américain David Graeber et de ses bullshit jobs.
Quid des plumes, des speechwriters…. en ce printemps agité de 2020 ? L’heure actuelle se prête mal aux discours. Experts et gouvernants sont aujourd’hui bien trop occupés, au mieux à juguler la crise sanitaire, au pire à trouver des réponses aux immenses défis que cette crise lance chaque jour à notre économie, à notre société, à nos vies. Résonne peut-être, dans l’inconscient de nos dirigeants, le Faust de Goethe qui plaçait au commencement, non le verbe, mais l’action.
Dans un tel contexte, les plumes se retrouvent parfois fort dépourvues… En France comme à l’étranger, les speechwriters ont ainsi pu se retrouver en chômage technique, de facto sinon officiellement. À plus tard, les discours ! Faites place à la com’interne, aux cellules de crise, aux webinaires, aux réunions à distance… Et puis, a-t-on jamais vu une allocution guérir un patient, assurer la subsistance d’une famille, faire tourner une entreprise ?
Passées au révélateur du Covid-19, les plumes ne seraient-elles finalement qu’un bullshit job de plus ? On ne saurait cependant passer sous silence ces articles, publications, réflexions… qui dès à présent fleurissent sur l’après-crise. Quant aux dirigeants, que ce soit, au mieux pour tracer des perspectives ou, bien pire, pour rendre des comptes, ils seront tôt ou tard amenés à exprimer leur vision du monde d’après. Si nos relations, notre vie politique, notre économie, sont à refonder, cette nouvelle étape supposera nécessairement d’ordonnancer le bouillonnement d’idées qui se fait jour dès maintenant.
Interpellés par ce nouveau défi, les dirigeants ne devront pas être désarmés quand viendra l’heure (prochaine) d’y répondre. Or qui mieux que les plumes sauront donner du sens et mettre des mots sur les actions à venir ? Face à tous ces enjeux, loin de toute naïveté ou de tout optimisme béat, on peut affirmer sans trop se tromper que le métier de plume va retrouver bien vite une importance accrue.
L’heure des plumes va venir. Qu’elles se tiennent prêtes.