Diffusé sur LCP les 8 et 15 février, Petites phrases, grandes conséquences réalisé par Thomas Raguet revient sur des petites phrases qui ont marqué l’histoire politique récente. Après une première partie consacrée au « dérapage contrôlé » de la droite droite de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, les mots de François Hollande et Emmanuel Macron sont décryptés dans une deuxième partie intitulée « la gauche contre le peuple ».
Avec ce documentaire, nous voilà au cœur de la parole publique, sous un angle que l’on pourrait penser relever de l’anecdotique, mais qui parlera aux plumes : le choix et l’impact des mots en politique.
Du « bruit et l’odeur » de J. Chirac au « karcher » de N. Sarkozy
1991. Influencé par le contexte devant des militant·es acquis·es à sa cause, Jacques Chirac se laisse aller. « La parole se libère » comme le suggère le politologue Pascal Perrineau. Et le maire de Paris de prononcer la petite phrase qui restera : « (…) Si vous ajoutez à cela le bruit et l’odeur, et bien le travailleur français sur son palier il devient fou » (au sujet des habitations du quartier de la Goutte-d’Or). Un dérapage sans notes, où l’on retrouve un homme politique en roue libre, auteur d’un propos qui blesse et humilie.
Cette petite phrase – propulsée au rang de celles que l’on retiendra par l’émergence des émissions de grande écoute et enregistrées – inaugure l’ère des formules chocs dans l’arène politique. La mécanique est similaire pour l’échappée de Nicolas Sarkozy en 2005 à La Courneuve.
Les mots font l’objet de stratégies. Plumes et communicant·es pourront en témoigner : leurs choix ne doivent pas grand-chose au hasard. Stupéfaction, colère, humiliation… Si l’on entend souvent que « dire, ce n’est plus faire », on constate (si besoin en est) que les discours politiques touchent et que le choix des mots compte.
« Sans-dents », « illettrées » et « les gens qui ne sont rien », les mots de « la gauche contre le peuple »
La deuxième partie revient sur les « sans-dents » de François Hollande, – une petite phrase médiatisée par la sortie du livre de Valéry Trierweiler, Merci pour ce moment –, « les gens qui ne sont rien » et les « illettrés » d’Emmanuel Macron.
Alors, violence des propos d’une élite déconnectée ou phrases sorties de leur contexte et mal interprétées ? La perception dépend des positions. Au sujet d’E. Macron, Sylvain Maillard, député de Paris, loue le franc parler d’un président qui s’exprime « comme il est ». De son côté, Marylise Lebranchu, ex-ministre et député, évoque des propos « d’une violence inouïe au cœur d’un épisode qui alimente la colère et la haine ». Et des petites phrases qui seront reprises à charge lors de mouvements sociaux. Même constat au sujet des « sans-dents » pour Olivier Le Bras, représentant syndical et ex-salarié de l’usine Gad de Lampaul-Guimiliau : malgré les excuses, la blessure de l’humiliation reste.
De regards croisés en analyses, ce documentaire retrace l’impact social des mots en politique, des stratégies à l’origine de leur usage jusqu’à leur réception et leurs conséquences.
Le lieu d’expression est un élément contextuel déterminant lors d’une prise de parole. Mais il n’est pas le seul. La position et la place des destinataires est tout aussi éloquente. Comme l’insinue le titre Petites phrases, grandes conséquences, des années plus tard, c’est aussi (et surtout) depuis cet endroit qu’il est pertinent d’analyser l’effet d’un discours. Car s’il fait l’objet d’une stratégie politique finement réfléchie, ce documentaire nous le montre brillamment : en politique (mais pas que), les mots sont des armes qui marquent les esprits et qui touchent, jusque dans la chair…
Pour voir ou revoir le documentaire, c’est par ici.