Elle a une plume… mais ce n’est pas une plume : Amanda Gorman est poétesse.
Dans le contexte actuel, que les poètes se piquent de politique n’étonnera personne – en témoigne la fronde contre l’association du Printemps des poètes. Amanda Gorman, elle, s’est illustrée en illuminant de sa verve la cérémonie d’investiture du Président américain Joe Biden en janvier 2021.
Qui est Amanda Gorman ? La « fille Noire maigrichonne, descendante d’esclaves et élevée par une mère célibataire », ainsi qu’elle se décrit dans son poème, n’avait que vingt-deux ans lorsqu’elle a été choisie par Jill Biden pour déclamer “The Hill We Climb”, hymne à l’unité et exhortation au courage, lors de l’investiture du président démocrate.
“The Hill We Climb”, “la colline que nous gravissons”, c’est celle à laquelle le peuple américain fait face, dans “un pays qui est blessé mais entier, bienveillant mais brave, assertif mais libre”, pour “s’élever, reconstruire, réconcilier, guérir”. Le texte, rythmé par des métaphores limpides, déclamé avec grâce et assurance, contraste avec les mots vidés de leur sens de l’ère de la post-vérité à la Trump.
En France, quand nos Présidents s’inspirent de leurs homologues américains pour leurs cérémonies de passation, cela se traduit par la reprise de Sting, « Englishman in New York », interprétée par un chanteur de variété au pied de la pyramide du Louvre au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.
Aux États-Unis, pourtant, la présence d’une poétesse lors d’une telle cérémonie officielle n’a rien de singulier. Amanda Gorman s’inscrit dans une tradition établie dans laquelle des poètes engagés comme Robert Frost ou Maya Angelou s’étaient déjà illustrés.
Mais pourquoi les Présidents démocrates associent-ils des poètes à leurs investitures ? Parce qu’ainsi que le rappelait en son temps un autre poète – Charles Baudelaire – “il y a dans le mot, dans le verbe, quelque chose de sacré qui nous défend d’en faire un jeu de hasard. Manier savamment une langue, c’est pratiquer une espèce de sorcellerie évocatoire.”
Et qu’est-ce que la politique, si ce n’est la création – poiêsis en grec – d’un récit commun, l’invention d’un nouveau monde ? Ou pour reprendre Gorman, “la force d’écrire un nouveau chapitre, de nous offrir l’espoir et le rire”, “pour forger une union qui ait du sens” ?
Faire de la politique en se privant du souffle de la poésie, c’est se contenter de n’être qu’un gestionnaire de la chose publique.
Par Chloé Perrot pour La Guilde des Plumes
En VO, l’intervention d’Amanda Gorman