𝗗𝗲 𝗾𝘂𝗼𝗶 𝘀’𝗮𝗴𝗶𝘁-𝗶𝗹 ?
Sorti en 1996, Ridicule nous présente la cour de Louis XVI (1774-1792) à travers l’ascension, puis la disgrâce, de Grégoire Ponceludon de Malavoy. Pour soulager les paysans de la Dombe des maladies qui les frappent, ce noble de province se rend à Versailles où il comprend bien vite qu’un mot d’esprit peut vous ouvrir bien des portes.
Cette intrigue sert de prétexte à un feu d’artifice de traits spirituels, saillies drolatiques… dans ce monde prérévolutionnaire où « un vice n’est rien mais un ridicule tue ».
𝗤𝘂𝗲𝗹 𝗲𝘀𝘁 𝗹𝗲 𝗱𝗶𝘀𝗰𝗼𝘂𝗿𝘀 ?
Nous sommes aux deux tiers du film. Interprété par le très regretté Bernard Giraudeau, l’abbé de Villecourt est la coqueluche de Versailles : brillants et souvent cruels, ses mots d’esprit lui valent de présenter au roi et à toute la cour les preuves de l’existence de Dieu. L’extrait du film pastiche ainsi brillamment les prédicateurs et les philosophes du XVIIIe siècle : sur un ton exalté, Villecourt s’attache notamment à démontrer que Dieu existe puisqu’il est sa seule cause – causa sui.
Sous ses dehors imparables, la démonstration fait forte impression à tout l’auditoire. Grisé par son triomphe devant le roi, Villecourt finit cependant par commettre un impair qui provoque sa disgrâce immédiate.
𝗣𝗼𝘂𝗿𝗾𝘂𝗼𝗶 𝗰’𝗲𝘀𝘁 𝗯𝗶𝗲𝗻 ?
Le discours de Villecourt porte les grands thèmes de Ridicule : dans cet extrait comme dans les véritables duels verbaux que se livrent les courtisans, les mots sont chargés. Ils peuvent jeter l’opprobre sur leur auteur juste après l’avoir porté au pinacle.
Surtout, les plumes pourront être sensibles à cette scène qui nous parle de la rhétorique. Le discours prononcé par Villecourt remet en effet en lumière d’anciennes questions : quels liens entre rhétorique et pouvoir ? Ne sert-elle qu’à séduire, voire à tromper un auditoire ou bien permet-elle d’accéder à la vérité ?
Ce débat avait occupé Platon comme Aristote et il n’est pas… ridicule qu’un film vienne nous le rappeler. Grand merci à Patrice Leconte et à tous ses acteurs !