Cicéron à Arpinum, Horace à Sabines, Montaigne en sa « librairie », Germaine de Staël à Coppet… Tous ces illustres ont consacré une partie de leur vie à l’étude. Cette étude fut largement celle des textes : pris dans les tourments de leurs époques respectives, le citoyen romain ou le notable bordelais ont pu s’extraire du tumulte pour lire les anciens, afin de nourrir leur œuvre.
Cette mise à distance du monde se retrouve dans certains propos récents… Interrogés sur la situation actuelle, Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut ont tous les deux indiqué, à quelques jours d’intervalle et sans forcément se concerter, qu’ils vivaient plutôt bien le confinement, leur lot quotidien depuis bien des années. Leur activité très sédentaire se bornerait ainsi, de longue date, à lire, à en dégager des idées et à les coucher sur le papier.
Faut-il attendre autre chose d’une plume ? Lire pour mieux écrire, n’est-ce pas, au fond, ce qui résume toute notre activité ? Si ce postulat est vérifié, il y a alors tout lieu de se réjouir ! Aux plumes qu’il n’a pas frappées, le coronavirus offre une vie qu’elles n’attendaient plus… Enfin du temps pour la lecture ! Enfin le repos, si propice à la réflexion ! Foin des deadlines, place à une écriture plus libre, alimentée à notre guise, et par nos seuls goûts personnels. « On la tient, notre retraite ! » m’a lancé une éminente plume, dès le premier jour du confinement.
Vivons cachés, est-ce l’idéal des speechwriters ? Cette hypothèse séduisante se heurte bien vite aux réalités les plus concrètes du confinement : surveillance des enfants, courses au supermarché, ménage à faire, quelquefois jardin à entretenir… ramènent bien des plumes à leur humaine condition, loin de l’image du philosophe en méditation. Et on ne saurait passer sous silence celles et ceux qui tentent d’écrire dans des logements exigus ou bruyants, loin des jardins et de leurs délices !
Surtout, cette vision de purs esprits, retirés dans leurs livres, oublie un peu vite que la plume exerce aussi un métier d’action. Dire – et écrire – c’est faire : à l’œuvre ces dernières années, cette formule est entérinée par la crise actuelle, à l’heure où les dirigeants sont sommés de répondre aux attentes ou d’esquisser le fameux « après-Covid 19 ». Et déjà les speechwriters brûlent de mettre leurs compétences au service de leurs entreprises, de leurs organisations… si chahutées par cette crise à nulle autre pareille.
Au final, le confinement a peut-être le mérite de nous ramener à quelques vérités, en particulier à celle-ci : l’étude ne trouve sa pleine utilité que si elle finit par être mise au service de l’action. Un orateur comme Cicéron, et même un poète comme Virgile l’avaient bien compris. Marchant dans les pas des anciens, les plumes ont bien raison de se replonger dans l’étude : si elles le font pour mieux répondre aux sollicitations, immédiates ou à venir, elles en auront tiré le meilleur profit !