Vient de paraître : un récit alerte et sensible de la campagne présidentielle… qui intéressera bon nombre de plumes !
C’est ici un livre de bonne foi… Rédigées à chaud, parues à la rentrée 2020, les Confusions de Marie Tanguy (1) ont attiré l’attention de critiques de presse, d’observateurs… toujours intéressés par les coulisses de la campagne que l’actuel chef de l’Etat a menée en 2017. Voici le récit, écrit sous pseudonyme, d’une plume qui s’est engagée au pôle « Idées » du candidat Macron, où elle a vécu plusieurs mois très pénibles qui l’ont conduite à un burn-out, à quelques jours du scrutin.
Tout cela posé, les plumes seront sans doute heureuses d’apprendre qu’elles (re) trouveront beaucoup dans cet ouvrage, bien au-delà du témoignage et des anecdotes de campagne. Marie Tanguy a en effet un réel talent pour évoquer le travail de la plume. Politique, certes, mais on ne prend guère de risques en affirmant que les speechwriters d’entreprises ou de collectivités connaissent les mêmes affres. Il faut la lire, Marie Tanguy, il faut la voir accoucher péniblement de tel discours ou de tel argumentaire :
« Je n’ai jamais appris à écrire un discours. Je ne suis pas normalienne, je n’ai ni technique ni don particulier. […] L’écriture ne venait pas, elle venait douloureusement. Chaque mot hésitait, vacillait, aurait voulu être un murmure, quand on attend d’un discours qu’il se déclame avec fierté. » (page 88)
L’ouvrage est également traversé par le stress face à des échéances de plus en plus difficiles à respecter et il contient plusieurs descriptions très fines des circuits de validation, visiblement aussi tortueux dans le nouveau que dans l’ancien monde.
On ne saurait passer sous silence les portraits, qui donnent à Confusions ses passages parmi les plus réussis : tenant à égale distance hagiographie et portrait-charge, Marie Tanguy sait nous dépeindre avec équilibre et sensibilité quelques-uns de ceux que la campagne de 2017 avait révélés. La plume en titre du candidat, Sylvain Fort, n’apparaît guère dans le livre mais Ismaël « Isma » Emelien, alors Conseiller Communication et Affaires stratégiques, est croqué avec beaucoup de précision et d’à-propos, tout comme David Amiel auquel est sans doute consacré le portrait le plus approfondi… le plus réussi ?
Un mot sur le titre… Le pluriel s’imposait, pour ces « confusions » qui enserrent notre héroïne tout au long de son récit. Les plumes seront certainement sensibles à la confusion des temps, au brouillage entre jours et nuits, aux horaires distendus par la charge de travail : « Par moments, je levais la tête et il était déjà 19h30, quand j’aurais juré qu’il était quatre heures de moins. L’heure n’avait de toute façon plus d’importance : elle ne signifiait rien. » (page 75)
Au cœur de l’ouvrage, on trouve surtout une confusion politique, idéologique : Marie Tanguy déchante bien vite, qui pensait retrouver le réformisme de Michel Rocard et de la CFDT chez le candidat Macron. Naïveté ? Point de vue discutable ? On préférera retenir ici l’aveu bien sincère de l’autrice. Un livre de bonne foi…
1 : TANGUY Marie, Confusions. Paris, Jean-Cl. Lattès, coll. « La Grenade », septembre 2020. 215 pages, 18 euros.