L’histoire de Joëlle Pressnitzer commence par un coup de foudre : celui pour les quatre lettres que forme le terme « MOTS ». Elle les découvre comme tout le monde en classe de français. Puis, elle va s’en imprégner grâce aux chansons des grands chanteurs à texte que son père lui fait écouter dans la voiture durant leurs virées du week-end. Toutefois, c’est en lisant Baudelaire qu’elle va prendre (selon ses propres termes) sa « plus grande claque » et qu’ils vont devenir ses meilleurs amis. A l’adolescence, elle entame des cours de théâtre, pour apprendre à jouer avec les mots des auteurs, comme d’autres jouent de la musique.
Voilà, le décor est planté et Joëlle tel « le petit poucet » va égrainer des mots tout au long de son parcours. Pourtant, malgré son appétence évidente pour la littérature, elle hésite quant à la filière qu’elle souhaite emprunter. Joëlle pressent que l’écriture et les mots doivent faire partie de sa vie mais elle ne sait pas encore comment. Elle intègre Sciences Po Toulouse, puis, son diplôme en poche, passe une licence de sociologie. Joëlle tâtonne, balbutie, cherche encore comment elle va écrire son chemin de vie.
Concomitamment à ses études de socio, elle rejoint une grande compagnie de théâtre toulousaine et devient comédienne professionnelle. L’appel de la littérature est le plus fort, tant pis pour les diplômes obtenus, qu’elle laisse pour le moment de côté ! Dans son métier d’actrice, ce qui la motive, ce sont les textes et comment elle va les dire. Les mots qu’elle interprète lui ressemblent. Elle a besoin de propositions artistiques fortes, engagées, pour donner corps au texte et ainsi habiter les mots des autres. Joëlle est désormais intermittente du spectacle, avec toutes les vicissitudes que cela implique. Il lui devient de plus en plus difficile de passer des moments d’euphorie que procurent la scène au vide de l’après où l’on doit se placer auprès des metteurs en scène et « se vendre ». Au bout de neuf années intenses, elle décide d’éteindre les projecteurs.
Joëlle monte à Paris, devient rédactrice pigiste puis journaliste éditrice durant cinq ans au journal « Le Monde ». Son rôle ? Relire avec attention les textes des rédacteurs. Elle les réécrit en faisant « dans la dentelle », vérifie les infos, se charge des éléments de titraille. Ces années « journaliste » l’ont remise au plus près des mots « écrits » et ont nourri sa « rigueur créative ». Alors qu’elle évolue encore dans la presse, l’écriture d’une biographie lui est confiée. C’est le déclic.
En 2017, elle décide de prendre l’air et crée sa propre entreprise. L’environnement parisien, le bruit et la pollution lui pèsent. Elle recherche une ville entre nature et culture. Nantes sera son compromis. Elle y reste trois ans avant de s’installer à proximité, à Clisson. Un endroit « magique ». Joëlle devient alors : « l’accordeuse de mots » pour faire sonner les mots justes et faciliter le processus d’écriture. Elle compose, interprète, habille la parole des autres. Les mots qu’on lui confie sont sa matière première. Elle les retravaille, les sculpte comme de la terre glaise, pour les embellir et leur donner vie à l’écrit sans perdre le côté spontané. Sa méthode : s’attacher à l’oralité des mots, à leur musicalité et réécrire pour cela inlassablement jusqu’à ce qu’on ait l’impression que c’est la personne dont elle écrit la vie qui raconte sa propre histoire.
Les particuliers et les entreprises font appel à ses services. Elle rédige donc des portraits, des discours et des biographies. Elle réécrit le plus souvent des romans, parfois des thèses sur des sujets pointus, et propose également des accompagnements littéraires. … Joëlle prête sa plume et trouve la bonne tonalité aux récits et aux idées d’autrui.
En parallèle, elle donne parfois des ateliers d’écriture et est chargée de diffusion pour des petits éditeurs indépendants. Elle lit leurs publications, qui sont autant de pépites à défendre, et fait son « masque et la plume » lorsqu’elle visite les librairies. Lire et écrire sont liés, il ne peut y avoir d’écriture sans lecture et vice versa. Elle s’emplit ainsi toujours et encore des mots des autres. Par ailleurs, elle lit Tesson, Laurent Gaudé, Mauvignier, Camille Laurens, Lola Lafon. Elle aime les textes ciselés, incarnés.
Quand elle n’écrit pas pour les autres, Joëlle vit dans la nature. Elle est plutôt contemplative, a une passion pour les grands espaces et les voyages. Elle se voit bien d’ailleurs, travailler de façon très intense pendant une partie de l’année pour découvrir le monde sac à dos, le reste du temps.
Son plaisir, se balader, se remplir de beau et ouvrir ses oreilles pour glaner les bouts de phrases des passants. Son envie, rassembler ces mots et en tirer des histoires courtes juste pour elle, sans désir de publier.
Il y a un an, elle découvre la Guilde des Plumes grâce aux réseaux sociaux. Elle se reconnaît dans leur définition d’une Plume. Elle y adhère car il est important pour elle qu’une association de professionnels promeuve ce métier par nature dans l’ombre. Ce qui lui plaît à la Guilde : la diversité des profils et des parcours.
Son métier la ravit, Joëlle aime se définir comme « Plume littéraire » et boucle ainsi la boucle avec cette appétence qui la poursuit depuis son plus jeune âge.
Crédit photo: Laurence Laborie