Aujourd’hui on parle du très célèbre Gettysburg address.
La bataille de Gettysburg (Pennsylvanie), menée du 1er au 3 juillet 1863, constitue un point de bascule de la guerre de Sécession. Le général sudiste Lee essuie sa première défaite majeure face à l’Union.
Alors, après la douleur par les armes, place au pansement par les mots. Au cours de la consécration du champ de bataille le 19 novembre 1863, le président Lincoln prononce un discours bref.
Il donne le ton : cette guerre civile est une mise à l’épreuve (testing) de la nation américaine, mais aussi de l’applicabilité des principes de liberté et d’égalité dans une société. (Les États-Unis mexicains, voisins directs des États-Unis d’Amérique, font dans le même temps face à une « intervention » française, ordonnée par un Napoléon III ayant renversé la République dix ans auparavant.)
Sur le lieu des quelque 8 000 morts, le registre du vivant, en particulier de la naissance, est employé. Lincoln évoque bien sûr les Pères fondateurs, « nos pères » (our fathers). Il rappelle que la nation américaine a été « conçue dans la liberté » (conceived in liberty). Pour se maintenir, elle doit donc être protégée, comme tout être vivant. Ainsi, si les Pères fondateurs lui ont donné la vie, ses soldats donnent la leur pour qu’elle continue de vivre (those who here gave their lives that that nation might live).
Lincoln semble toutefois acter le décès des États-Unis connus jusqu’alors : ceux ayant toléré pendant presque cent ans l’esclavage, pourtant contraire aux idéaux qui les ont engendrés. Mais ce décès sera salutaire : il permettra une nouvelle naissance, dans la liberté et l’égalité retrouvées des Hommes devant Dieu (that this nation, under God, shall have a new birth of freedom).
Un reboot, dirions-nous aujourd’hui.
Le pouvoir des mots, c’est aussi le pouvoir d’affirmer que ceux-ci n’ont que bien peu de pouvoir en de telles circonstances (our poor power to add or detract). Pour le président, ce ne sont pas les paroles (les siennes ou celles de son auditoire), mais bien le « dernier grand acte de dévouement » (the last full measure of devotion) des soldats unionistes qui a consacré cette terre.
Pourtant, ces mots présentés comme oubliables contrairement à la victoire de Gettysburg (the world will little note, nor long remember what we say here, but it can never forget what they did here) auront accouché d’une expression célèbre : « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » (government of the people, by the people, for the people).
A charge pour les États-Unis d’appliquer, de faire vivre cet idéal, pour qu’il ne soit pas rayé de la surface de la Terre (shall not perish from the Earth).
Ce discours, et deux ans plus tard la fin quasi-christique de Lincoln (président assassiné pour son combat libérateur, par un ancien sympathisant confédéré) entreront dans ce que l’on appelle communément la « religion civile américaine ».