La Guilde commence l’année avec audace en vous parlant aujourd’hui du plus célèbre discours de Georges Jacques Danton.
« Nous sommes en guerre », « réarmement civique » : ce n’est pas un hasard si le vocabulaire martial est fréquemment employé dans les discours présidentiels. Pour une plume, la guerre, c’est grave, c’est solennel, c’est donc rassembleur. Ne chante-t-on pas « Aux armes, citoyens » à chaque occasion nationale ? La force symbolique d’un tel registre est puisée directement dans l’histoire de notre pays. Dans ces instants figés où il devenait nécessaire de prendre ces mots au pied de la lettre.
Le 2 septembre 1792 est l’un de ces moments décisifs. Danton, membre du Conseil exécutif provisoire, fait face à une Assemblée nationale fébrile et à une France envahie. La coalition austro-prussienne se dirige vers Paris pour refaire du citoyen Capet le roi Louis XVI des grands jours. Un regain de combativité doit être rapidement impulsé pour maîtriser la panique et inverser la tendance.
Alors, fidèle à sa réputation, Danton démarre fort. Aux députés, il présente la victoire française prochaine, non comme une éventualité, mais comme une évidence : « Il est bien satisfaisant, Messieurs, pour les ministres du peuple libre, d’avoir à lui annoncer que la patrie va être sauvée ».
Il évoque ensuite la situation de Verdun assiégée, quitte à l’embellir un peu. Il affirme que la garnison municipale a promis « d’immoler le premier qui proposerait de se rendre », au moment où tous s’affairent à « creuser des retranchements » et à défendre la ville « avec des piques ».
Danton appelle Paris à s’inspirer de ces actes courageux, et le pouvoir national à se montrer à la hauteur des événements : « C’est en ce moment, Messieurs, que vous pouvez déclarer que la capitale a bien mérité de la France entière. C’est en ce moment que l’Assemblée nationale va devenir un véritable comité de guerre ».
Afin de « diriger ce mouvement sublime du peuple », Danton presse les députés d’en adopter les décrets indispensables. Il demande la peine de mort pour « quiconque refusera de servir de sa personne, ou de remettre ses armes ».
Puis il modifie le sens traditionnel du tocsin. Cette cloche civile que l’on sonne pour de funestes raisons (incendie ou invasion), Danton en fait le symbole positif de la reprise en main : « Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie ».
Enfin, il prononce ses mots les plus fameux : « Pour les vaincre, Messieurs, il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée ».
Ce discours improvisé est un chapitre de notre roman national, pour de bonnes et mauvaises raisons. Il a annoncé la victoire de Valmy le 20 septembre 1792 et la proclamation de la République le lendemain. Il a également nourri la radicalité des massacres de Septembre (du 2 au 7) et de la décapitation de Louis XVI le 21 janvier 1793.
Ainsi va l’histoire de France.